Clause de non-affiliation dans une franchise de service : cas vécu

Clause de non-affiliation dans une franchise de service : cas vécu

Lorsqu’un franchisé quitte son réseau, il doit respecter une clause de non-affiliation, l’empêchant pour un temps de rejoindre un autre réseau. Sauf que des critères de validité doivent être respectés afin de ne pas porter une atteinte excessive à la liberté de l’exploitant. Une question fondamentale en pratique qui a fait l’objet de précisions du juge…

Clause de non-affiliation : quelles conditions de validité ?

Focus sur la clause de non-affiliation

Pour rappel, une clause de non-affiliation prévoit que, lorsque le franchisé quitte le réseau de son franchiseur, il s’engage à ne pas s’affilier à un autre réseau concurrent pour un certain temps. Le franchisé peut également prendre l’engagement de ne pas créer son propre réseau qui ferait concurrence à son ancien franchiseur.

Notez qu’une clause de non-affiliation n’est pas une clause de non-concurrence. En effet, tandis que la seconde interdit à une personne d’exercer son activité sur un territoire et une période donnés, la première n’empêche aucunement l’ancien franchisé d’exercer son activité, pour autant que ce soit de manière indépendante.

Autrement dit, l’interdiction est centrée sur l’adhésion à un réseau concurrent.

Cela étant, quelles sont les conditions de validité d’une telle clause ? Cette question s’est posée au juge dans une affaire récente.

L’affaire

Une société de transactions et de gestion immobilières entre dans un réseau de franchise. Après plusieurs années de partenariat, la société décide d’y mettre fin et résilie l’ensemble de ses contrats avec son franchiseur.

La société anciennement franchisée apporte à une nouvelle société son « activité de transaction immobilière ». Une fois cette opération faite, les 2 sociétés intègrent un autre réseau de franchise du secteur de l’immobilier.

« Non ! », s’oppose l’ancien franchiseur qui dénonce cette affiliation à un réseau concurrent. En effet, les contrats de franchise signés avec la société anciennement franchisée comportent des clauses de non-affiliation.

Des clauses que la société n’a donc pas respectées, ce qui l’oblige à cesser ces relations commerciales interdites par contrat et à verser à son ancien franchiseur des indemnités pour réparer son préjudice !

À tort ou à raison ?

Question no 1 : qu’est-ce qu’un commerce de détail ?

L’ancienne franchisée ne nie pas ne pas avoir respecté ses clauses, mais elles sont, à ses yeux, illicites et, par conséquent, réputées non-écrites.

En effet, toujours selon la société, ces clauses ne respectent pas la loi dite « Macron » qui indique que toute stipulation venant restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant d’un magasin de détail doit obligatoirement respectée les conditions cumulatives suivantes :

  • elle concerne les biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat entre le franchiseur et le franchisé ;
  • elle est limitée aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant a exercé son activité pendant la durée du contrat ;
  • elle est indispensable à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat ;
  • sa durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation du contrat.

Ses critères n’étant pas tous respectés dans les clauses de non-affiliation ici, la société estime qu’elles sont réputées non-écrites.

« Mauvais argument », selon l’ancien franchiseur qui explique que ces critères sont applicables aux magasins de commerce de détail. Or, ici, il est question d’agences immobilières où aucune marchandise n’est vendue au consommateur. Par conséquent, l’activité n’étant pas un commerce de détail, les règles décrites ici ne sont pas applicables.

La réponse du juge

« Faux ! », tranche le juge en faveur de l’ancienne franchisée. Certes, la loi ne définit pas la notion de « magasin de commerce de détail ».

Pour autant, parce qu’elle a pour objectif de protéger les franchisés en leur permettant, notamment, de changer plus facilement d’enseigne, il serait contre-productif d’exclure les services de son application.

Autrement dit, peut être qualifié comme « magasin de commerce de détail » aussi bien l’activité de vente de marchandises que celle de services proposés aux consommateurs.

Question no 2 : la clause est-elle valide ?

De toutes manières, selon le franchiseur, ces clauses de non-affiliation n’en demeurent pas moins valides puisqu’elles respectent les exigences de la loi en matière de limitation géographique et temporelle de l’engagement.

« Non ! », contredit l’ancienne franchisée : les clauses prévoyaient que l’engagement devait s’appliquer à toute personne physique ou morale ayant exercé des fonctions dans ou pour la société pendant l’application du contrat de franchise ainsi qu’à leurs ayants-cause. Une application beaucoup trop large pour être licite…

« Totalement ! », confirme le juge : un tel champ d’application n’était pas indispensable à la protection du savoir-faire du franchiseur et portait une atteinte excessive au libre exercice de l’activité du franchisé.

Question no 3 : et pour les clauses de contrats signés avant ces règles protectrices ?

Le franchiseur fait remarquer que, si une partie des contrats signés avec son ancien franchisé a été signée après l’entrée en vigueur de cette loi, une autre partie a été signée avant. Or, en principe, la loi n’est pas rétroactive, c’est-à-dire qu’elle ne s’applique que pour les situations intervenues après son entrée en vigueur.

Puisque ces contrats sont antérieurs à la loi Macron, les clauses de non-affiliation qu’ils contiennent ne sont pas régies par la loi sur les conditions cumulatives détaillées plus haut…

« Illicites quand même ! », proteste l’ancienne franchisée qui estime ces clauses disproportionnées. En effet, ces clauses interdisaient une ré-affiliation à :

  • toute personne physique ou morale ayant à un moment quelconque de l’exécution du contrat exercé des fonctions dans ou pour la société franchisée ;
  • « tout ayant cause », c’est-à-dire potentiellement une personne extérieure souhaitant racheter le fonds de commerce de la société ;
  • tout le département, alors qu’un plus petit périmètre suffisait au franchiseur à protéger ses intérêts.

« Tout à fait ! », tranche le juge en faveur du franchisé qui indique que les critères applicables avant la loi Macron pour juger si une clause de non-affiliation est licite, à savoir la présence de proportionnalité entre les intérêts des parties, de limites posées en matière d’activité, de zone et temps, ne sont pas ici respectés.

En conclusion, la société ayant rejoint un nouveau réseau ne doit rien à son ancien franchiseur !

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Période suspect et compensation des créances : possible ?

Période suspect et compensation des créances : possible ?

Lorsque 2 personnes ont l’une à l’encontre de l’autre une créance, elles peuvent, toutes conditions remplies, procéder à une compensation entre créances. Ce mécanisme de compensation est-il utilisable lorsque l’une des créances est née pendant la période suspecte de la liquidation judiciaire ? Réponse du juge…

Période suspecte : compensation impossible ?

Pour rappel, lorsqu’une entreprise n’est plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, c’est-à-dire que sa trésorerie ou ses actifs rapidement mobilisables ne suffisent pas à payer ses dettes, elle doit faire une déclaration d’état de cessation des paiements auprès de la justice.

Le tribunal rend alors un jugement d’ouverture de redressement ou de liquidation judiciaire. Ce jugement fixe également la date de cessation des paiements. Cette date est fondamentale car elle fait débuter la « période suspecte », qui prend fin à la date du jugement.

Durant la période suspecte, certains actes et paiements peuvent, toutes conditions remplies, être annulés.

Ainsi, si un créancier a été payé pendant cette période suspecte alors qu’il avait connaissance de l’état de cessation des paiements de son débiteur, le paiement est purement et simplement annulé.

Autrement dit, le créancier doit restituer l’argent et déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire, chargé de trouver des solutions pour sauver l’entreprise et / ou rembourser au mieux les créanciers.

Dans une affaire récente, le propriétaire d’un immeuble a conclu avec une société 2 baux commerciaux que cette dernière a cédé à une autre société dans le cadre de la vente de son fonds de commerce.

Malheureusement, cette nouvelle locataire est placée en liquidation judiciaire.

En se plongeant dans les comptes de la société locataire, le mandataire judiciaire s’aperçoit que des paiements de loyers ont été versés au bailleur pendant la période suspecte… alors qu’il connaissait l’état de cessation de paiement de sa locataire !

Conformément à loi, le paiement est donc annulé et le bailleur doit restituer les sommes récupérées.

Une créance dite « de restitution » que le bailleur propose de compenser. Pour rappel, la compensation est une façon, à l’instar du paiement, d’éteindre une dette lorsque 2 créances réciproques sont certaines, liquides et exigibles.

Or ici, le bailleur a à la fois :

  • une dette envers son locataire en liquidation, puisqu’il doit rendre l’argent des loyers perçu pendant la période suspecte ;
  • et une créance à l’encontre de son locataire pour les loyers impayés après la période suspecte.

Une compensation possible, selon le bailleur, qui arrange tout le monde : il garde l’argent ainsi récupéré et la dette de son locataire diminue.

« Non ! », refuse le liquidateur judiciaire qui rappelle que la procédure en cours doit prendre en compte les intérêts de tous les créanciers. Or, préférer une compensation au profit d’un créancier plutôt que de récupérer de l’argent pouvant profiter à tous n’est pas dans l’intérêt collectif.

« Vrai ! », tranche le juge en faveur du liquidateur : la nullité des paiements pendant la période suspecte a pour objectif, notamment, de reconstituer l’actif du débiteur dans l’intérêt collectif des créanciers. En conséquence, la compensation n’est pas possible et le bailleur devra bien rendre l’argent, en attendant d’être (peut-être) remboursé de ses loyers impayés…

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